Substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie : y a t il des règles ?
Dans un arrêt du 3 avril 2019, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation rappelle que la désignation du bénéficiaire de l’assurance-vie faite par testament peut être modifiée par simple avenant au contrat d’assurance-vie, dès lors que cet avenant traduit une volonté certaine et non équivoque du souscripteur de modifier la désignation testamentaire.
Les faits de l'espèce étaient les suivants:
Le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie avait désigné successivement différents bénéficiaires, par des voies distinctes. D’abord, par testament authentique en date du 12 août 1997, il avait désigné son épouse, en qualité d’usufruitière, et ses « enfants vivants ou représentés, par parts égales, en qualité de nus-propriétaires ». Aucune distinction n’était alors opérée entre les enfants du souscripteur, qui étaient au nombre de cinq, de sorte que chacun d’eux avait vocation à la nue-propriété d’un cinquième du capital d’assurance-vie.
Ensuite, par avenants des 1er septembre 2005 et 1er septembre 2006 établis avec la compagnie d’assurance, le souscripteur avait désigné comme bénéficiaires son épouse (cette fois en pleine propriété) et, à défaut, trois de ses filles désignées nominativement. Cette formule excluait implicitement, mais nécessairement, les deux autres filles du souscripteur.
Toute la question, qui a opposé l’une des filles exclue du contrat à sa mère et ses sœurs, ainsi qu’aux organismes d’assurance, était de savoir si la modification des bénéficiaires de l’assurance-vie avait été valablement réalisée par de simples avenants, alors que la désignation initiale l’avait été par testament. Cette question supposait de résoudre un conflit entre les articles 1035 du code civil et L. 132 8 du code des assurances, dont les domaines respectifs pouvaient se recouper dans cette affaire.
En effet, la désignation initiale des bénéficiaires était inscrite dans un testament. Or, l’article 1035 du code civil limite les formes dans lesquelles peut intervenir la révocation d’un testament : elle requiert soit un testament postérieur, soit un acte notarié. Ce formalisme n’est, certes, pas dépourvu de souplesse, puisqu’il n’impose pas un parallélisme dans le choix de la forme testamentaire admettant qu’un testament olographe puisse révoquer un testament authentique, par exemple, et admet que la révocation soit expresse ou tacite . L’article 1035 du code civil était donc invoqué en l’espèce par la demanderesse au pourvoi, au soutien de l’argument suivant lequel la modification des bénéficiaires désignés par testament ne pouvait pas intervenir par simple voie d’avenant sous signature privée au contrat d’assurance, faute d’emprunter l’une des formes de révocation de testament admises par la loi.
L’argument opposé se fondait sur l’article L. 132-8, alinéa 8, du code des assurances, qui précise que la désignation ou la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance peut être réalisée « soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l’article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire ». Cette énumération des formes possibles de désignation est plus large que celle de l’article 1035 du code civil, puisqu’elle autorise notamment une substitution de bénéficiaire par simple avenant au contrat d’assurance, sans distinguer selon les modalités de désignation initialement choisies. En outre, la jurisprudence retient une interprétation extensive de ce texte en considérant que la liste posée n’est pas limitative et que la modification du nom du bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie n’est finalement subordonnée à aucune règle de forme admettant une modification réalisée par simple lettre signée du souscripteur.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle les circonstances de fait relevées par les juges du fond, faisant état d’une première désignation par testament puis d’une modification par des avenants manifestant « la volonté certaine et non équivoque de modifier » la désignation initiale.
Elle approuve les conséquences tirées par les juges du fond de leurs constatations, dont ils ont déduit que les avenants modificatifs étaient valables en application de l’article L. 132-8 du code des assurances.
En effet, ce texte autorise une modification par voie d’avenant.
Or, en l’espèce, il y avait bien un avenant modificatif traduisant une volonté certaine et non équivoque du souscripteur.
La substitution de bénéficiaire était donc valable.