Précisions sur l’action en révocation d’une donation pour ingratitude
Dans un arrêt du 30 janvier 2019, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation rappelle que l'action en révocation pour ingratitude répond à des conditions strictes et que l’article 955 du code civil que l’ingratitude du donataire soient commis à l’encontre du donateur.
Aux termes de ce texte, le donataire doit être considéré comme ingrat « 1° [s’il] a attenté à la vie du donateur, 2° s’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves, 3° s’il lui refuse des aliments ».
En l’espèce, deux époux consentent en décembre 2007 une donation-partage au profit de leurs deux enfants. Aux termes de cet acte, le fils reçoit la nue-propriété des deux tiers des actions d’une société financière constituée par son père. Les époux donateurs se réservent l’usufruit de ces parts sociales. La société financière est une holding regroupant plusieurs sociétés civiles immobilières et commerciales. Quelques mois avant la donation, le fils a constitué une société dont l’activité était de nature à concurrencer les sociétés familiales (objets de la donation litigieuse) dont il était le dirigeant. En juillet 2009, le père fait nommer son gendre en tant que dirigeant et, en novembre 2009, il convoque une assemblée générale qui révoque le fils de ses fonctions de président. Le fils (commet différents actes frauduleux qui aboutissent, au plan pénal, à sa condamnation définitive pour abus de biens sociaux, abus de confiance et complicité d’abus de confiance par une décision du 17 décembre 2013.
Sur le plan civil, les parents intentent le 30 juin 2014 une action en révocation des donations consenties à leur fils en 2007 pour cause d’ingratitude et paiement de dommages-intérêts.
Les juges du fond accueillent leur demande et prononcent la révocation des donations pour ingratitude. Le fils forme un pourvoi en cassation en reprochant à la cour d’appel, d’une part, de ne pas avoir déclaré la demande de ses parents irrecevable comme prescrite et, d’autre part, d’avoir violé l’article 955 du code civil puisque les faits commis l’ont été à l’encontre de la société et non des donateurs.
La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel et approuve les juges du fond d’avoir déclaré l’action en révocation recevable mais elle considère qu’ils ont violé l’article 955 du code civil en retenant des faits commis à l’encontre de la société comme cause d’ingratitude.
Sur la recevabilité de l'action, il importe de rappeler qu'en principe, le point de départ du délai de l'action en révocation de donation est le jour du délit imputé au donataire ou le jour où ce délit peut être connu du donateur. Il est cependant admis que le point de départ du délai soit reporté lorsque les faits constituent une infraction pénale au jour où la condamnation devient définitive.
En l’espèce, le fils soutenait que la cour d’appel aurait dû vérifier si le délai préfix d’un an n’était pas expiré au jour de la mise en mouvement de l’action publique avant d’accueillir l’action en révocation de ses parents.
La Cour de cassation rejette cette argumentation et rappelle que les juges du fond n’ont pas à constater que le délai d’un an n’est pas écoulé au jour de la mise en œuvre de l’action publique dès lors que cette question n’est pas alléguée et discutée devant eux.
Ainsi, les juges du fond ont pu valablement considérer que le délai commençait à courir du jour de la condamnation définitive du fils soit le 17 décembre 2013, et que la demande introduite le 30 juin 2014 l’était dans le délai imparti pour agir.
Sur les conditions de l'action en révocation, le fils soutenait que l’action de ses parents ne pouvait être accueillie puisque les faits pour lesquels il avait été condamné avaient été commis au préjudice de la société et non pas de la personne des donateurs. La Cour de Cassation approuve ce raisonnement et rappelle que les conditions de l’article 955, 2°, sont strictes : les délits doivent être commis à l’encontre du donateur et non pas d’un tiers, fût-ce une société dont le donateur est associé.